Un tournant dans notre histoire
Il était 4h21, un certain 1er juillet 2006. Une nation était née. Tout allait bien, les oiseaux chantaient, les buveurs buvaient, et on ne voyait pas de fin à cette accumulation de bonheur. L’insouciance dans laquelle nous étions bercé agissait comme un cache à l’inéluctable, comme une obstruction de l’inévitable. Nous étions biens, nous recherchions le bonheur, nous l’avions trouvé. Loin de s’attacher à tous ces terribles codes de notre chère et tendre société capitaliste, nous n’avions cure de notre apparence, des conséquences d’un verre de trop. A vrai dire, la nature résumait ce dont nous avions besoin, ce que nous souhaitions, ce que nous étions. Des interminables champs de Vauhallan au majestueux viaduc, des soirées clodos aux mondanités royales, rien ne nous était refusé, nous profitions de la vie, chantions les louanges de Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, tout en appliquant les plus profondes réflexions d’Epicure, profitant de l’instant présent sans réellement se soucier du lendemain. Se réveiller la tête dans les épis de blés de Saclay ? Dormir au beau milieu d’un champ de galette ? Rien n’était, pour nous, sujet à inquiétude. Nous incarnions de la plus parfaite des manières les thèses de ce bon vieux Leibniz, qui, il y a maintenant plus de 300 ans, avait parlé pour la première fois d’optimisme.
Il y a des choses, à l’image de ce concept, qui restent. Le blog de passionalcool demeurera, nous pouvons en être persuadés, comme l’un de ces incontournables tournants qui bouleversent la face du monde. Personne n’oubliera Nikos goûtant l’eau de la piscine de Lionel à 3 heures du matin, ni le cul poilu de Julien un soir de Bretagne, ni les chef d’œuvre artistiques de Georges qui, s’inspirant du courant impressionniste du début du siècle dernier, avait apporté sa touche personnelle au parc de Bures. Personne ne pourra ôter de sa mémoire tout ça, tout ce qui fait que cette année fut magique, tout ce qui fit que notre image se détériora peu à peu, progressivement, lentement, mais tellement sûrement que certains jugèrent, bon d’agir.
La voix de la sagesse a parfois du mal à se faire entendre. Le moment présent aveugle bien souvent les consciences, engrangent fatalement la pénurie de décisions réfléchies, surtout avec 3 grammes d’alcool par litre de sang. Mais le haut conseil du clodinisme, se réunit, un jour entre le 29 juillet et le 5 août 2006, pour prendre des mesures radicales, afin d’endiguer un fléau qui allait crescendo, contre le gré des autorités elle-même. Il fallait agir, vite, et occulter notre âme en peine. Certains ont recours au sevrage pour mettre un terme à leur dépendance aux drogues. Cela apaise leurs souffrances, terribles et continues. Nous, la nation clodienne, avons du supporter sans broncher, presque sans sourciller, la suppression brutale de notre blog. Il fallut être fort, et il faudra être fort. Il faudra apprendre à vivre sans. Apprendre à ne plus revivre nos exploits d’un soir, apprendre à ne plus critiquer Juju parce qu’il a mal sélectionné les photos, apprendre à ne plus rire du ridicule des uns, et surtout des autres.
Certains auront du mal à traverser cette épreuve. C’est un moment difficile à passer, mais il faut l’accepter. La vie est faîtes de ce genre de situation pesante. Il y eut un avant blog, il y aura un après, et c’est le cours logique des choses, la vie balaye tout sur son passage. Malgré notre désespoir, nous sommes au regret de vous signaler qu’aucun suivi psychologique n’a été prévu à l’intention des sujets ne parvenant pas à se remettre de cette terrible épreuve. Seules ces misérables lignes sont à votre disposition.
La nation a donc décidé de frapper fort. Cette suppression du blog s’accompagne bien évidemment d’un changement dans notre façon de fonctionner, de voir les choses, d’appréhender nos différentes préoccupations. Nos espoirs, nos doutes, nos craintes, nos objectifs, ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient. A la volonté d’aligner coûte que coûte les culs secs de vodka s’est substitué le soucis de prendre un vrai plaisir à être ensemble, aux côtés de quelques verres de pastis, de Malibu ou d’amer bière. Point de concours de galette, mais des soirées agréables où la chaleur humaine dominera. Tous les convives, en pleine possession de leurs moyens, discuteront tranquillement et débâteront de choses et d’autres. Des conversations saines et sans mauvais esprit.
C’est l’objectif, et la nation clodienne a décidé de s’y tenir. Bien entendu, un changement aussi radical ne peut s’effectuer d’un coup, sans séquelles. Ainsi quelques symptômes viendront très certainement pointer le bout de leur nez ces prochains jours, mais le conseil a parlé, et sa prestance est telle que nul ne peut passer outre sa décision.
Comment décrire mon état d’esprit personnel ? Il est difficile pour moi de retranscrire une telle émotion. La fin de ce blog marque un tournant dans notre histoire, lui qui avait accompagné nos joies, nos doutes, nos exploits, nos sacrifices. Lui qui avait assisté aux épisodes du parc de Bures, du viaduc, du spiritus, de chez Nikos, Lionel ou encore moi-même. Lui qui avait tout vu, tout vécu. Lui qui faisait un peu partie de nous.
Alors parfois, les mots manquent. Parfois, il faudrait réécrire un dictionnaire entier pour signifier réellement ce que l’on ressent. Parfois, il vaut mieux se taire, car le silence est plus fort que les mots. Parfois, c’est maintenant. Alors taisons-nous pour apprécier à sa juste valeur le cataclysme que nous vivons.
Mitch
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